Le travail archéologique journalier

À la recherche d'une sépulture :

Dans le coin du terrain où j'ai débuté mon travail, il y a le plus souvent une simple différence de couleur de terre : la présence d'une forme "ovale" qui signale l'existence d'une éventuelle sépulture. Je dis éventuelle car il arrive qu'il ne reste rien et que le décapage réalisé depuis quelques heures ne donne aucun résultat

La sépulture localisée :

Une fois une sépulture circonscrite et ses limites déterminées, la fouille à l'intérieur des limites visualisées peut débuter pour dégager les ossements.

Les limites se déterminent avec la recherche des quatre coins du cercueil (les quatre coins de la forme ovale reperée). Étant donné que nous nous trouvons dans un cimetière européen du XVIIIeme siècle (donc chrétien), les dépouilles ont été enterrées dans des cercueils en bois et non directement dans le sol enveloppées dans un linceul.

La découverte des restes humains

Lorsque les ossements sont atteints ils ne sont surtout pas retirés du sol au fur et à mesure de leur mise à jour le squelette devant tout d'abord être dégagé complètement avant cette opération. Enfin le plus complètement possible car il arrive bien souvent que tous les os ne soient pas retrouvés.

Préparation des ossements

Avant le prélèvement définitif, les ossements sont nettoyés : la terre autour et sur les os est retirée avec des pinceaux et avec des languettes en bois afin de ne pas effriter la surface de l'os souvent fragilisée. Le nettoyage va permettre de rendre plus visibles les ossements sur la photographie.

Photographie et dessin

Après le cliché, un dessin sur papier quadrillé est réalisé en prenant en compte des élévations, des mesures des os, bref il faut (ou du moins essayer) de dessiner le plus fidèlement possible le vestige qui est prêt à être dégage.

Les sépultures étant fouillées par deux personnes (cela permet de dégager le maximum de sépultures complètes au lieu de plusieurs sépultures incomplètes), l'une mesure pendant que l'autre dessine. Cette division du travail permet de gagner du temps, facilite le travail du dessinateur ainsi que celui de la personne qui prend les mesures et qui peut plus 'facilement' rester quelques minutes en équilibre instable au bord d'une sépulture sans avoir à poser ses outils de mesure toutes les deux minutes et avoir à trouver une position stable pour installer sa planche à dessiner et prendre ses crayons.

Prise de notes sur la découverte

Le chargé de chantier ou la paléo-anthropologue prennent, après ou pendant le dessin, des notes sur l'état de conservation du squelette, les os présents ou manquants, la position du squelette par rapport au nord, ils déterminent le sexe du défunt, les possibles causes de décès (certaines sont visibles de suite pour un œil exercé).

Après toutes ces étapes, vient l'étape qui consiste à enfin prélever les ossements.

Le prélèvement

Étant donné que nous nous trouvons sur un chantier de sauvetage, nous sommes très pris par le temps : le chantier devait durer quatorze semaines pour finalement avoir été réduit à six semaines. Il nous faut donc sortir au minimum six sépultures par jour pour arriver à dégager les cent soixante sépultures repérées lors de la prospection à pied (mais en realité nous savons qu'il y en a beaucoup plus et elles ne pourront pas être mises à jour par manque de temps).

Pris par le temps qui file (je sais, je mentionne très souvent le temps, mais c'est une véritable couse contre la montre qui a lieu) et travaillant dans un terrain très humide (souvent dans l'eau lorsque que nous atteignons la nappe phréatique et/ou lorsque le ciel n'est pas clément avec nous), il nous faut travailler rapidement et correctement.

Malheureusement pour notre travail, les ossements dans leur grande majorité ne nous facilitent pas le travail car ils se brisent très facilement suite à leur long séjour dans un milieu humide (et à leur âge). Le prélèvement, étape minutieuse et exigeante, demande donc encore plus de patience que d'habitude.

Comment les os sont prélevés :

(les ossements sont déposés dans des sacs en papier qui portent le numéro du carré dans lequel ils ont été mis à jour)

Le prélèvement se fait la plupart du temps de la manière suivante : le crâne est retiré du sol en premier, par le terme crâne il faut comprendre les os du crâne et les mâchoires.

LE CRÂNE

Le crâne vient parfois du premier coup en un seul morceau, mais le bien souvent étant fragilisé (fracturé par les machines agricoles, imbibé d'eau), il se détache en plusieurs morceaux.

Le plus délicat à retirer lors de cette première étape du prélèvement, consiste à ôter les mâchoires et les dents qui sont bien souvent déchaussées. Les os des mâchoires peuvent être soient fracturés, soient déplacés à cause du poids du crâne qui a pu se tourner soit vers la droite, soit vers la gauche, en encore vers le bas.

Si la sépulture se trouve être au-dessus de sépultures plus anciennes, une difficulté supplémentaire vient s'ajouter si les plus anciennes se sont effondrées. Notre sépulture a en effet suivi l'affaissement successif et progressif des sépultures des couches inférieures (un peu comme un château de cartes) et il nous est donc arrivé de devoir démêler plusieurs sépultures s'étant mélangées lors des effondrements.

LES CÔTÉS GAUCHE ET DROITE DU SQUELETTE

Vient alors le temps de retirer le côté gauche du squelette : les os du bras gauche, les côtes situées à gauche, l'os gauche du bassin, les os de la jambe gauche.

L'ordre de prélèvement est le même pour le côté droit du squelette.

C'est bien souvent lors de cette étape qu'il est possible de découvrir des objets, des témoignages du passé parvenus jusqu'à nous.
Dans plusieurs sépultures, lors du prélèvement des côtes, des boutons ont été mis à jour (des boutons en os ou en bois), ou encore des restes de tissus, des aiguilles qui laissaient penser que le corps avait été enveloppé dans un linceul.

LA COLONNE VERTÉBRALE, LES MAINS, LES PIEDS

La colonne vertébrale est le prochain élément qui est retiré de la terre.

Il reste à prélèver les mains : les os de la main gauche sont retirés en premier puis c'est au tour des os de la main droite. Lorsqu'il s'agit d'une sépulture d'enfant, le travail de prélèvement des mains est très délicat et requiert une très grande minutie de par la petitesse des os à prélever.

Finalement, nous terminons le prévèlement en retirant les os des pieds : encore une fois le côté gauche en premier puis le côté droit.

Là encore lorsqu'il est question de sépulture d'enfant, le travail est délicat et demande plus de temps qu'une sépulture d'adultre malgré le fait que la sépulture soit plus petite et qui pourrait donc faire penser à une plus grande facilité de fouille et de prélèvement.

Conclusion

Cette procédure de prélèvement est valable pour les sépultures en bon état de conservation, le prélèvement de celles où les ossements ne sont pas différenciés, où tout est mélangé car en moins bon état de conservation, est plus rapide étant donné que les os des mains et ceux des pieds qui sont tout petits comme cela a déjà été mentionné (regardez vos mains et vos pieds, essayez de compter combien d'os ils contiennent chacun et essayez d'imaginez aussi quelle taille vos os peuvent bien avoir) sont prélevés en même temps que les os du côté gauche ou droit du squelette.

À quoi cela sert-il ou pourquoi fouiller un cimetière ?

À la fin du chantier, les ossements prélevés sont envoyés au laboratoire afin d'y être nettoyés, reconstitués et étudiés.

Ils permettront de déterminer les classes d'âge, le sexe (le pourcentage d'hommes et de femmes), les maladies dont souffraient les défunts, les méthodes d'inhumations (par exemple la position du corps selon les époques).

Leur étude va aussi offrir la possibilité d'émettre des hypothèses sur les classes sociales inhumées dans ce cimetière, de savoir s'il y avait un coin du cimetière réservé aux riches, aux ouvriers, etc...

Après l'étude en laboratoire, les ossements ont été rendus au curé de la paroisse à laquelle appartenait le terrain et ils ont été ré-inhumés dans une section du cimetière qui leur a été reservée.

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