Tcherniakov
La civilisation dite de Tcherniakov est l'une des plus importantes de la Russie des premiers siècles de notre ère.
On a catalogué et exploré plus de mille sites appartenant à cette civilisation, massés dans l'ensemble le long du haut Dniestr, du Dniepr, du haut Sejm, mais l'aire d'influence de cette culture s'étend du bas Danube (où elle prend le nom de "Sîntana de Mures.") au Pripet et au Don.
Grâce aux monnaies romaines trouvées dans certains sites tcherniako-viens, on date les débuts de cette culture du IIe siècle, bien qu'il faille tenir compte de la durée d'utilisation de ces monnaies ; aussi, c'est plutôt après 200, avec la disparition des monuments sarmates, qu'il faut situer les premières manifestations de ce complexe culturel.
Les villages tchernakoviens sont souvent ouverts et s'étalent le long des terrasses dominant les rivières, parfois sur plusieurs kilomètres.
Les maisons sont rectangulaires, faites en torchis et claies, avec des sols en argile parfois recouverts de planches.
Elles possèdent généralement deux pièces, une pour les animaux, l'autre, pourvue d'un foyer, pour la famille ; l'ensemble mesure 12 m ou plus de longueur.
La poterie commune, faite au tour sauf dans les régions danubiennes où on la trouve modelée à la main, est uniforme, grise, à panse globulaire et à col court.
Parallèlement, on trouve une poterie aux formes plus variées : cruches, coupes, gobelets, bols sans anse ou à trois anses, jaunes, orange ou rouges.
Les tombes ont aussi livré des fibules, des perles en pierres semi-précieuses, de l'ambre, du verre, des boucles d'oreilles, des épingles.
Des objets romains d'importation, vaisselle en bronze, coupe en verre, fibule d'argent en arc, plat tourné, vases en pâte de verre, ont été recueillis dans une tombe à puits avec un couteau d'argent et deux éperons également en argent.
L'inhumation était pratiquée parallèlement à la crémation ; cependant, cette dernière domine dans les premiers temps alors que l'inhumation est pratiquée de préférence par la suite.
E. A. Symonovitch a déterminé deux stades dans l'évolution des rites funéraires de crémation : dans un premier temps on détruit les corps à des fins magiques, ensuite on se contente de les incinérer.
Selon Symonovitch, des fragments de coquillages et des amulettes pyramidales gravées de signes solaires seraient des témoignages d'un culte solaire ou du feu.
L'appartenance ethnique de cette civilisation est discutée.
Symonovitch et toute une école de savants soviétiques ont voulu y voir l'une des premières manifestations de la présence des Slaves orientaux ; d'autres auteurs l'ont attribuée aux Scythes, ce qu'a judicieusement réfuté Symonovitch.
M. Gimbutas repousse cette hypothèse et pense que cette civilisation est un phénomène per se, résultat de larges relations culturelles, d'un commerce florissant, de la fusion d'éléments culturels venus de divers horizons, fertilisés par des éléments venus de l'Empire romain.
Cette hypothèse rend cependant difficilement compte de la rupture avec les cultures précédentes, sarmate ou de Zarubinets, et surtout de l'unité de cette civilisation sur un territoire aussi étendu.
Sa disparition est aussi sujette à discussion.
Selon M. Gimbutas, les Huns détruisent les sites tchemakoviens à la fin du ive siècle, provoquant la disparition brutale de cette civilisation.
C'est après ces ravages que les Slaves apparaîtraient dans cette région, au début du ve siècle.Cependant, D. Berezovets rappelle qu'on hésite entre le Ve et le VIIe siècle.pour dater la fin de la civilisation de Tchernia-kov.
Il admet qu'à partir du milieu du Ve siècle.elle s'affaiblit, et que s'y substituent les tribus slaves nouvellement arrivées.
En réalité, il semblerait que cet affaiblissement soit la conséquence de l'invasion des Huns, sans pour autant que ces derniers aient mis une fin brutale à cette culture qui va se modifier lentement, puis s'effacer devant les infiltrations slaves.
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