Hyksos
Manéthon, historien égyptien de l'époque grecque, rapporte que sous le règne de Timaos (on ignore à quel souverain égyptien se rapporte ce nom grec) un peuple inconnu vint de l'Orient et s'empara sans mal de l'Egypte.
Ils mirent à mort les princes, incendièrent les villes, ruinèrent les temples, égorgèrent une partie de la population mâle et réduisirent femmes et enfants en esclavage.
Leur roi, Salatis, s'installa à Memphis, imposa tribut aux princes de la Haute-Egypte, fortifia les frontières de l'Est de crainte d'être attaqué par les Assyriens.
Dans cette région orientale du delta il rebâtit et fortifia une ville autrefois nommée Avaris où il établit une garnison bien armée (de 24 000 ou 240 000 hommes ?).
On nommait ces envahisseurs Hyksos, ce qui signifierait "Rois pasteurs" car hyk, dans la langue sacrée, veut dire "roi" et sos "pasteur" dans la langue vulgaire (démotique).
Il précise enfin que certains regardaient ces Hyksos comme des Arabes.
L'archéologie et les textes de l'époque pharaonique ont confirmé la présence en Egypte, à la fin du Moyen Empire, de gens venus d'Asie qui se sont rendus maîtres du Delta et sans doute pendant quelque temps d'une partie de la Moyenne-Egypte.
Ces peuples sont "la peste" venue d'Asie, nomades pour la plupart, connus par les annales égyptiennes sous les noms d'Amu, Setjetiu, Shosu (ou Shasou).
C'est d'ailleurs par ces derniers qu'à la fin du xixe siècle.on a tenté d'expliquer la forme d'Hyksos en égyptien: hk' signifie «chef», "roi" et les Hyksos seraient les "Sheikh des Shosu" ; au demeurant le nom de ces Shosu viendrait soit de la racine égyptienne sh's "errer", "voyager" (et le terme Shosu désignerait les "bédouins" d'Asie), soit du sémitique shssh qui signifie "piller".
Cependant, le nom des Shosu en tant que nomades asiatiques auxquels les Egyptiens eurent souvent affaire, ne se rencontre pour la première fois qu'à l'époque de Thoutmosis II, aux alentours de ~ 1510, c'est-à-dire deux siècles après l'apparition des Hyksos.
Il n'est cependant pas exclu que ces Shosu, - que les pharaons du Nouvel Empire vont souvent trouver sur leur chemin au cours des campagnes qu'ils mèneront en Asie, soient les descendants de bandes d'Asiatiques entraînées lors de l'invasion hyksos.
Car il est acquis que le terme hellénisé de Hyksos reflète la forme égyptienne hk; kh;st qui doit se lire Heka-khasut et désigne, selon son sens de "rois étrangers", les chefs de tribus nomades asiatiques.
Ce titre apparaît dès la XIIe dynastie : ainsi est désigné le sheikh des Amu, ces nomades asiatiques représentés sur le tombeau de Khnoumhotep à Béni-Hassan ; son nom, Abesh, est sémitique et il vient de t;shw, "les terres frontalières", "le pays vide", c'est-à-dire le désert (sans doute du Sinaï).
Ce titre se retrouve appliqué à des princes (ou rois) hyksos, à la fin du Moyen Empire.
Ainsi il apparaît que sous le nom d'Hyksos sont rassemblées des populations diverses qui sans doute se sont lentement infiltrées depuis l'Asie dans le delta du Nil vers les derniers temps du Moyen Empire.
Le chef de l'une de ces tribus semble avoir pu imposer son autorité aux autres et s'emparer de la basse Egypte après avoir renversé le dernier pharaon de la XIIIe (ou XIVe ?) dynastie, Djedneferrê Didoumès (contemporain de l'invasion hyksos selon Manéthon) ou son successeur Djed-héteprê Didoumès.
Cette prise du pouvoir sur le nord de la vallée du Nil et l'installation de la capitale hyksos à Avaris sont datées des environs de ~ 1730 grâce à une stèle dite "de l'an 400", trouvée dans les fouilles d'Avaris et dédiée à un roi appelé Aapehtiseth Nubti ; il apparut qu'il s'agissait de la commémoration d'une ère de temple et que ce roi était peut-être le dieu Seth lui-même.
Or cette divinité, symbole du désert pour les Égyptiens, originaire du sud (sans doute d'Ombos, près de Coptos), était devenue la divinité dynastique des Hyksos.
Cette stèle donnait la date de fondation du temple de Seth à Avaris et, dans le même temps, de la reconstruction de la cité et de son élévation au rang de capitale.
Comme on a pu calculer que la dédicace de cette stèle doit être datée des environs de ~ 1330 (ou ~ 1320), on se trouve avec ~ 1730 devant une date historique à peu près sûre pour le début de la domination hyksos.
Il semble que dans l'ensemble ces Hyksos étaient des Sémites venus de Palestine, comme en témoignent en particulier les noms connus par les scarabées hyksos : Anat-Her, Yakob-her, Yakebem, Amu.
On a cependant mis en relation leur migration en Egypte avec les mouvements causés en Asie antérieure par les invasions des Indo-Européens, l'installation des Hourrites vers l'Assyrie et des Kassites qui domineront bientôt la Babylonie.
Certains auteurs ont même voulu voir une dominante indo-européenne parmi le groupe hétérogène constituant les Hyksos.
S'il est possible que parmi eux se soient glissés des groupes indo-européens, hypothèse que n'étaye aucun élément sérieux archéologique ou philologique, il apparaît que dans l'ensemble ces envahisseurs sont constitués par des Sémites.
Au demeurant ils se sont très rapidement égyptianisés : non contents d'adopter l'écriture et la langue des Égyptiens, ils ont repris à leur compte nombre d'oeuvres sculpturales du Moyen Empire, copié les créations de l'époque précédente dans le domaine des arts mineurs ou dans celui des reliefs, utilisé largement comme sceau le scarabée qui est typiquement égyptien.
C'est aussi sous leur domination qu'ont été recopiés et diffusés les chefs-d'œuvre littéraires du Moyen Empire.
En revanche, nombre d'aspects culturels qu'on leur avait attribués, comme la poterie de Tell el-Yahûdiyeh ("camp fortifié" près du Caire), une céramique à décor incisé et pointillé de motifs géométriques ou figurés, sur fond brun rouge ou gris poli, ou le type de fortification qui se développe plus particulièrement à cette époque en Palestine et Syrie auquel on avait donné le nom de "forts hyksos", leurs sont maintenant contestés.
Par ailleurs, il semble bien que ce soit à tort qu'on ait attribué la suprématie des Hyksos à la possession de chars tirés par des chevaux.
Il est plutôt avéré que les Hyksos n'ont connu que tardivement l'attelage et qu'ils ne l'ont guère utilisé comme arme de guerre.
On attribue aux Hyksos les XVe et XVIe dynasties, mais les chronologies sont aussi confuses que les successions dynastiques.
On pense que la XVIe dynastie est composée de princes qui ont régné parallèlement aux "Grands Hyksos" de la XVe dynastie.
Certains auteurs (par exemple dans CAH) retiennent les dates de ~ 1674/ ~ 1567 pour la XVe dyn. et ~ 1684/- 1567 pour la XVIe, ce qui ne correspond plus à la datation donnée par la stèle de l'an 400.
Parmi les souverains hyksos, le plus important est peut-être Khyan qui a régné au ~ XVIIe siècle.et dont on a retrouvé le cartouche sur un lion en Mésopotamie (dans un mur à Bagdad), un vase d'albâtre à Cnossos, un scarabée et une impression de sceau en Palestine, un élément architectural à Gebelein en Haute-Egypte.
Sur ces fragiles éléments a été bâtie l'hypothèse d'un Empire hyksos s'étendant de l'Eu-phrate au Nil et de la Crète à la Nubie.
En réalité, si les Hyksos ont pu imposer un moment tribut aux princes de la Haute-Egypte, leur domination ne s'est jamais étendue que sur le nord de la vallée du Nil et une partie de la Palestine.
Au début du ~ XVIe siècle, les princes de Thèbes qui avaient continué de régner sur cette partie de la Haute-Egypte, constituant la XVIIe dynastie, partent en guerre contre les Hyksos.
Il revient à Sekenenrê Taâ d'avoir entrepris la reconquête du territoire national.
Son fils Kamès, dernier roi de la XVIIe dynastie, poursuivra cette guerre que terminera Ahmosis, fondateur de la XVIIIe dynastie et du Nouvel Empire, en prenant Avaris et en boutant les Hyksos hors d'Egypte.
Il semble cependant qu'ils aient continué d'exercer leur domination sur la Palestine où les pourchasseront encore Ahmès et son fils Aménophis Ier.
Thoutmosis III, près d'un siècle plus tard, mentionnera encore dans ses annales les combats qu'il livrera à des "Rois des Peuples étrangers" qui semblent cependant ne plus être les Hyksos chassés hors d'Egypte.

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