Daces
Ce nom a dû être à l'origine celui d'une tribu du grand ensemble ethnique formé par les Thraces , qui s'est étendu à toutes les populations de même langue et de même culture établies dans l'Antiquité sur l'actuel territoire de la Roumanie.
Les Grecs les appelaient plutôt Gètes, qui, à l'origine, est sans doute aussi un nom tribal, le terme de Daces étant surtout utilisé par les Romains.
Alors qu'on peut, par exemple, suivre dans une certaine mesure la trace des Celtes et tenter de dater leur installation dans les territoires qui vont devenir la Gaule, il n'en va pas de même avec les Géto-Daces.
Grâce aux éléments de leur langue qui nous ont été conservés, nous avons la certitude qu'elle appartient au groupe indo-européen , mais on trouve une telle continuité culturelle dans les régions carpato-danubiennes, les civilisations évoluant sans rupture brutale, que le même fonds de population déjà indo-européen (ou indo-euro-péanisé ?) semble se perpétuer à travers les siècles, depuis le Néolithique, l'ensemble dace constituant son aboutissement à l'époque historique.
Le nom des Gètes est mentionné pour la première fois par Hérodote à propos de la campagne que les Perses de Darius 1" menèrent vers le Danube en ~ 514.
Ainsi a-t-on pu tout au moins attribuer au groupe géto-dace la créa-
tion de la culture roumaine du premier âge du Fer, qui présente d'ailleurs des caractères hallstattiens évidents.
Les phases correspondant au Hallstatt A et B appartiennent en Roumanie à l'âge du Bronze.
La phase C qu'on date généralement entre ~ 800 et ~ 550 voit l'apparition de la métallurgie du fer ; le site de Basarabi, en Olténie, a donné son nom à la première période de cet âge du Fer ancien, ce qui est contestable car son mobilier présente des caractères illyriens et paraît beaucoup moins caractéristique que celui de divers autres sites de cette époque, tels que Poiana sur le Siret, Ciurelu près de Bucarest, Aiud sur le Mure.
Les tombes sont à incinération, les urnes étant déposées dans des fosses simples ou des puits.
La seconde période (~ 650/~ 550) est caractérisée par la nécropole à inhumation de Stoicani où l'on trouve, en particulier dans la céramique, nombre d'éléments Basarabi évolués.
Les nécropoles représentatives de l'Hallstatt D, daté entre ~ 550 et ~ 350/~ 300, sont celles de Bîrsesti et surtout de Ferigile f.
La présence sans doute menaçante des Scythes est attestée par la découverte d'acinaces (voir épées) et de haches de guerre ; les premières cités fortifiées, liées peut-être à cette menace scythe, apparaissent à Stîncesti et Cotnari au nord de la Moldavie.
Les cités fortifiées sur hauteurs du type oppidum vont d'ailleurs caractériser le second âge du Fer, représenté chez les Daces par un La Tène offrant des traits originaux qui le différencient du La Tène celtique et qu'on qualifie parfois de géto-dace.
Cette culture, dont les éléments sont paIVenus chez les Daces par osmose, ne se développe qu'à partir de la fin du ~ ive siècle, c'est-à-dire un siècle après ses débuts chez les Celtes.
Le tour de potier est alors introduit, sans doute par l'intermédiaire des Grecs , à qui l'on emprunte également les modèles de monnaie, en l'occurrence les monnaies macédoniennes et plus particulièrement celles de Philippe II, comme ce fut aussi le cas chez les Gaulois .
On observe d'ailleurs dans l'évolution des styles monétaires et dans leur interprétation, des tendances à l'abstraction et à la stylisation parallèles à celles rencontrées chez les Gaulois.
Les formes des céramiques communes, allant de la coupe à fruits à pied cylindrique à la jarre à plusieurs anses en bouton, sont trop variées pour être décrites ici ; dans l'ensemble, ces poteries sont monochromes, grises ou brique, lisses et sans décor.
La poterie la plus caractéristique est sans doute la tasse-lampe.
Les cités daces sont souvent bâties sur des hauteurs et fortifiées avec de véritables remparts en pierre taillée.
Ainsi de Bîtca Doamnei en Moldavie et surtout, en Transylvanie, de Banita (Piatra Ceta-tii), Tilisca, Capîlna, Piatra Craivii et Sarmizegetusa, qui devint au ~ VIe siècle.la capitale de l'empire fondé par Bure-bista vers ~ 80.
Ces cités possèdent des monuments publics en pierre et dans quelques-unes (Fetele Albe, Pecica, Sarmizegetusa), on a érigé des sanctuaires circulaires constitués par des piliers en pierre ou en bois disposés en cercles concentriques.
Ce ~ VIe siècle.représente l'apogée de la civilisation dace.
La richesse de l'État dace est attestée par les auteurs anciens mais aussi par les découvertes archéologiques ; un répertoire de 1971 donnait 111 trésors d'argent daces retrouvés sur le territoire roumain. Ils sont aujourd'hui près de 130, qui ont livré plus de 1000 pièces, coupes, bols, patères, bijoux.
C'est en partie l'attrait de l'or dace, selon une hypothèse séduisante de Jérôme Carco-pino, qui a conduit Trajan à déclarer la guerre au dernier roi dace Décébale, et à annexer son royaume au cours des deux guerres dites daciques, en 101-102 et 105-106.
La plus grande partie des territoires occupés par les Daces devient province romaine et le restera jusqu'en 271, date à laquelle l'empereur Aurélien soustrait la province à l'administration romaine.
Nombre de riches propriétaires fonciers vont s'installer au sud du Danube, mais la majorité de la population demeure sur place et continue dans une certaine mesure de se romaniser.
Cependant, une partie des territoires daces, vers les Carpates et la Moldavie, si elle a subi l'influence romaine, n'a jamais été occupée par les Romains.
Les principaux de ces Daces libres sont les Carpes, dont on a parfois nié la parenté avec les Daces ; mais il semble maintenant acquis qu'il s'agit d'un peuple de langue et de culture daces localisé dans les Carpates orientales, qui s'est étendu vers l'est aux IIe et me siècle.Il est porteur d'une culture qui, selon Gh. Bichir, "représente une continuation du La Tène géto-dacique de Moldavie dans de nouvelles conditions historiques".
La Roumanie est l'un des rares pays d'Europe, et plus particulièrement d'Europe orientale, qui n'a pas vu sa civilisation originale, daco-gétique, de même que son ethnie, brusquement modifiées à la suite des grandes invasions qui marquent les Ve et VIe siècle.Les infiltrations slaves, malgré certaines influences sur la culture de Sintana-Tcherniakov, ont peu de répercussions sur la civilisation traditionnelle, qui évolue lentement en intégrant plus particulièrement des aspects byzantins, et donnera la civilisation médiévale de ces régions du bas-Danube où se conseIVera, en particulier dans la langue, la vieille tradition géto-latine.

Histoire-archeologie.com © Tous droits réservés