Urartu
Il est certains peuples ou royaumes qui eurent dans l'Antiquité une grande importance et qui pourtant ont à peu près complètement disparu de la mémoire des hommes : c'est le cas des Sumériens, des Hittites ou encore de l'Urartu.
Cet État, établi au sud du Caucase, dans les régions qui vont par la suite devenir l'Arménie, et qui tint tête à l'Assyrie conquérante pendant les premiers siècles du ~ Ier millénaire, n'était demeuré dans les traditions anciennes que sous le nom d'Ararat, grâce à la Bible ; il y est mentionné cinq fois, sous la forme des "montagnes de 1'Ararat" où serait paIVenue l'arche de Noé, "terre d'Ararat" et "royaume d'Ara-rat".
L'appellation du célèbre mont Ararat à la frontière turco-soviétique date de l'époque chrétienne.
Par ailleurs, l'historien arménien Moïse de Khorène qui vivait au VIIe siècle.avait conservé le souvenir de la reine Shami-ran (c'est-à-dire Sémiramis) qui aurait fait construire auprès d'un immense lac (en l'occurence celui de Van) une magnifique ville avec ses palais et son acropole (la forteresse qui domine l'actuelle ville de Van).
C'est dans le but de vérifier cette tradition que la Société asiatique de Paris envoya en 1827 F. E. Schultz afin d'étudier ces monuments.
Il releva un certain nombre d'inscriptions "vanniques" et décrivit plusieurs monuments, les premiers connus de cette civilisation urartéenne qui demeurait cependant encore insoupçonnée.
Schultz fut massacré en 1829 par les Kurdes et ses travaux ne furent publiés qu'en 1840.
En 1850 Layard, le fouilleur de Ninive, vint à son tour à Van et fit en particulier un relevé dans des salles rupestres d'inscriptions qui se sont révélées par la suite être les annales du roi d'Urartu Arghisti Menouahini.
Ce n'est cependant qu'à partir de 1870 que les travaux de Guyard ont permis de lire partiellement les inscriptions dites vanniques après un début de déchiffrement et d'établir que leurs auteurs devaient être identifiés avec les Urartéens connus par les inscriptions assyriennes et les Alarodiens des historiens grecs.
Les premières fouilles d'un site urar-téen sont celles de Toprakkale, sur le lac de Van.
Elles furent entreprises en 1877 à l'initiative de Layard, par son ancien collaborateur Hormuzd Rassam qui fut remplacé en 1879 par le capitaine Clayton et un missionnaire américain, le Dr. Raynolds.
Fermé l'année suivante, le chantier fut réouvert en 1889 par C.
F. Lehmann-Haupt à la tête d'une mission allemande qui effectua une autre campagne en 1898 et mit au jour le temple d'Haldis, divinité principale des Urartéens.
Les fouilles ont ensuite été reprises par T. A. Orbelli en 1911-1912 puis par une mission russe dirigée par N. Y. Marr en 1916, enfin par des archéologues turcs entre 1959 et 1962.
Par ailleurs les fouilles qui se sont multipliées autant du côté turc que soviétique, ont mis au jour des sites d'importance comme Altintepe, Ere-bouni, Teishebani, outre un grand nombre de sites soit secondaires, soit moins largement explorés, à commencer par la citadelle de Van qui, entourée d'une muraille cyclopéenne, fut l'une des capitales du royaume sous le nom de Toushpa.
Le nom de PUrartu apparaît pour la première fois dans les annales assyriennes de Salmanazar Ier (~ 1274/ ~ 1245) sous la forme d'Uruatri.
Ce terme désigne alors un ensemble de petits royaumes au sud-est du lac de Van, que soumit au tribut le roi d'Assyrie.
Dans les annales de son successeur, Tukulti Ninurta Ier (~ 1244/~ 1208), la région apparaît sous le nom de Naïri dont 43 rois se soulevèrent contre le roi d'Assyrie qui les soumit et prit le titre du "Roi des terres de Naïri", le lac de Van étant par ailleurs appelé "mer de Naïri".
Vers le milieu du ~ IXe siècle, les principautés de PUrartu sont pour la plupart réunies pour constituer un royaume qui n'est cependant pas encore centralisé.
Par les annales assyriennes et les représentations de la porte de Balawat nous savons que Salmanazar III (~ 858/ ~ 824) conduisit une campagne victorieuse qui le mena jusqu'au lac de Van, contre son roi Aramé, qu'il prit sa capitale Sougounia et incendia quatorze villes du royaume.
Il semble que les Urartéens se soient rapidement relevés et en ~ 832 les Assyriens, lors d'une nouvelle campagne, se heurtent à un nouveau roi, Sarduri.
Ce dernier, qui avait sa capitale à Tushpa (Van), paraît être le véritable fondateur du royaume d'Urartu, après avoir définitivement uni sous son sceptre toutes les principautés.
Dans une inscription gravée sur un mur de Van et rédigée en assyrien, il se déclare "roi de l'Univers, roi des rois, roi de la terre de Naïri".
Comme il se dit fils de Loutipri, il semble qu'il n'ait pas de rapports avec Aramé.
Nous pouvons ensuite suivre l'expansion du royaume d'Urartu avec la dynastie fondée par Sarduri.
Par une stèle bilingue assyrienne et urartéenne, nous savons que lui succéda son fils Ishpuini avec le titre de "roi de la terre de Biaïni", nom indigène de PUrartu qui correspond au Naïri des Assyriens.
Son fils Menua, qui fut associé au trône de son père en ~ 815 et régna seul à partir de ~ 804, résista victorieusement aux Assyriens et poursuivit l'œuvre de construction que son père avait entreprise à Van, et surtout dans les autres villes du royaume.
C'est lui qui, en particulier, fit construire un aqueduc de 80 km, consistant surtout en un canal, pour faire venir l'eau à Van.
Son fils Argishti Ier (~ 789/ ~ 766) conduisit des campagnes féroces chez ses voisins, brûlant, pillant, déportant.
Passant l'Euphrate, il captura 6 000 hommes de Supa qu'il établit dans la ville nouvellement fondée d'Erebuni, puis il s'attaqua directement à l'Assyrie mais subit là un échec.
Son fils Sarduri II (~ 765/ ~ 733) étendit les frontières de l'empire jusqu'en Colchide, vers la mer Noire, le lac d'Urmiah, la Mélitène dont il soumit les rois au tribut.
Par ailleurs il fonda la ville d'Argishtikhinili ("bâtie par Argishti") dans la vallée de l'Araxe dont on a exploré le palais dans la citadelle, les épais remparts pourvus de tours et plusieurs maisons.
Son fils Rusa (~ 733/~ 714) transféra sa capitale à Toprakkale et se révéla un grand constructeur, mais à la fin de son règne les Assyriens sous la conduite de Sargon envahirent le royaume et prirent Mousa-sir, au sud du lac de Van.
Le butin, qui nous est connu par une inscription assyrienne du Louvre, révèle la richesse de l'Urartu : 380 ânes, 525 têtes de bétail, 1 235 moutons, plus de 400 objets précieux dans le palais (poignards, épées, coupes, bijoux...) représentant plus d'une tonne d'or et près de 5 tonnes d'argent ; et dans le temple de Chaldi, un total de 333 500 pièces, dont 305 412 épées, 25 212 boucliers, 1 514 javelines de bronze et 96 en argent, 33 chars d'argent, 139 bâtons d'ivoire, etc.
AigHàiti 11, son fils (~ 714/~ 679), releva la situation et fit construire la forteresse d'Altintepe qui fut résidence d'un vice-roi.
Les menaces de populations nouvelles, Cimmériens, Mèdes, Scythes, mirent un frein à la rivalité assyro-urartéenne et les règnes suivants furent relativement pacifiques.
Cependant, vers ~ 590, Teishebani fut prise et détruite, sans doute par les Mèdes alliés aux Scythes.
Peu après tombèrent Toprakkale et Van et ainsi disparut l'Urartu tandis qu'apparaissent dans les textes les Arméniens (Armina des inscriptions achéménides) qui vont succéder aux Urartéens.
Il apparaît que d'après leur langue encore mal connue, les Urartéens font partie du vieux bloc asianique, qui n'était ni indo-européen, ni sémitique ; leur langue est plutôt proche de celle des Hourrites.
Leur art, qui présente des traits originaux, est cependant fortement influencé par l'Assyrie, notamment leur architecture.
Typiquement urartéens semblent néanmoins être, par exemple, les chaudrons de bronze aux anses à têtes de "dragons", tel celui d'Altintepe, ou ornés de têtes humaines ; on en retrouve des modèles (ou des copies) en Phrygie; dans la Grèce archaïque et jusqu'en Êtrurie.

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