Phrygiens
Vers la fin du ~ xme siècle, une nouvelle population se substitue à celle de Troie VII b 1, qui apporte des conceptions architecturales inédites et en particulier une céramique à boutons {Knobbed Ware) dont l'origine est située dans les Balkans, vers la région du bas Danube.
Deux siècles plus tard, Beycesultan est détruite.
Certains archéologues voient là les premières manifestions des Phrygiens en Asie Mineure.
Ce peuple, de langue indo-européenne, serait une branche des Thraces qui, après être passée en Asie et avoir occupé Troie, aurait séjourné quelque temps dans le nord-ouest de PAnatolie.
La légende rapportée par les Grecs, selon laquelle Mygdon, héros éponyme des Mygdones, une tribu phrygienne, aurait régné sur la région du Sangarios et serait venu participer à la guerre de Troie contre les Grecs, conseIVerait le souvenir du séjour des Phrygiens en Propontide et Troade.
Pendant les deux derniers siècles du ~ IIe millénaire, ils se seraient infiltrés vers l'Anatolie centrale et méridionale, refoulant vers la Lycie (sud-ouest de l'Anatolie) une partie des Luwites.
Ces derniers étaient un peuple apparenté aux Hittites et peut-être arrivé avec eux des Balkans au ~ IIIe millénaire, et dont la langue est celle des textes hittites hiéroglyphiques connus par îes inscriptions néo-hittites (de Karkémish, Kararepe, etc.) et l'ancêtre de celle qui sera parlée en Lycie à l'époque grecque.
Enfin, les Phrygiens auraient détruit Beycesultan.
Par ailleurs, nous savons par des annales assyriennes du milieu du ~ XIIe siècle, que les régions centrales de l'Anatolie étaient alors occupées par une population appelée Mushki par les Assyriens, qu'ils associent aux Kashku - les Kaska des textes hittites dont on pense qu'ils ont été la cause finale de la destruction de l'Empire hittite et qu'ils ont mis à sac Hattusa.
Certains auteurs sont enclins à penser que ces Mushki étaient alliés aux Kashku, et on mentionne un certain Mita de Pakhuwa (une cité à localiser vers le haut Eu-phrate) dont les textes hittites de la fin du ~ xme siècle.(ou du" début du ~ XIIe s.) déplorent les agissements inamicaux. Or ce Mita fait songer au célèbre Midas roi de Phrygie, connu par les légendes grecques.
Ce nom apparaît d'ailleurs en phrygien dans l'inscription de la grande façade rupestre de la Cité de Midas.
L'argument le plus frappant (mais qui ne peut totalement emporter la conviction) à l'appui de l'hypothèse faisant des Mushki un peuple phrygien est la mention, dans un texte assyrien du début du règne de Sargon II (~ 720), d'un Mita de Mushki qui pourrait être le Midas des Grecs, qui a effectivement régné vers cette époque.
Il semblerait que ces Mushki soient les ancêtres des Moskhi (Moschi des Latins, Mesekh de la Bible) alors établis aux confins de la Colchide, à l'ouest de l'Arménie.
Ils furent enrôlés dans l'armée de Xerxès au ~ Ve siècle.et à la fin de ce même siècle les Dix-Mille, sous le commandement de Xénophon, traversèrent leur pays lors de leur retraite.
Par ailleurs, il se pourrait que les Mes'chi, une tribu géorgienne (l'actuelle Géorgie, dans le Caucase occidental soviétique, correspondant à l'antique Colchide) connue depuis le Ve siècle, ne soient autres que leurs derniers descendants.
Nous n'avons de certitude historique sur les Phrygiens qu'à partir du ~ vin siècle, lorsqu'on les trouve établis dans plusieurs villes de l'Anatolie, dans ces régions qui constitueront à l'époque grecque la Phrygie et qui sera ensuite en partie remplacée dans l'onomastique, par la Galatie, du nom des Galates, tribu des Celtes.
Leurs principales villes sont la Cité de Midas, où l'on trouve l'un des plus remarquables exemples de leurs façades rupestres, si caractéristiques de l'architecture phrygienne ; Gordion, cité du roi Gordios, où on a fouillé un tumulus funéraire tout aussi caractéristique.
On a aussi trouvé des niveaux d'habitats phrygiens dans les anciennes villes hittites : Hattusa, qui doit sans doute être identifiée à la Ptéria phrygienne des géographes grecs, Ali-shar, Alaca Hoyiik, Kanesh, et aussi à Pazarli et à Ancyre.
Caractéristique est aussi le temple de la Kybèle à Pessinonte ; cette divinité, peut-être d'origine sumérienne, mais qui a intégré les aspects de la déesse mère anatolienne et apparaît dès l'époque hittite sous la forme de Kubaba, dont le nom de Kybélé est une forme hellénisée, est devenue à l'époque grecque et ensuite romaine la grande divinité phrygienne par excellence.
A la croisée des courants égéens marqués par la Grèce, et des courants orientaux où dominent les formes néohittites, urartéennes et assyriennes, l'art phrygien a néanmoins conservé son originalité propre.
Ainsi des façades rupestres avec leur fronton de style grec, mais originales dans leur conception et leur décor géométrique.
Les reliefs également sculptés dans les foches, s'ils ont pu subir l'influence hittite, possèdent leurs caractères propres, et une certaine élégance même dans leur rudesse.
Si leur céramique commune grise, utilisée pendant des siècles sans grandes modifications, et leurs poteries où dominent les motifs géométriques, n'ont que peu d'intérêt artistique, ils ont utilisé la terre cuite pour constituer des frises faites de carreaux disposés sous l'avancée des toits des temples et des monuments publics ; elles étaient ornées de bas-reliefs peints, comme celle de Pazarli représentant des guerriers armés de bouchers ronds et de lances, et coiffés de casques à panaches qui évoquent la tenue des hoplites grecs.
Il semble qu'à l'origine, les Phrygiens constituaient une sorte d'État féodal dont les tribus guerrières, commandées par des chefs, dominaient les anciennes populations locales.
Gordios et ensuite Midas semblent avoir fédéré ces principautés sous leur autorité au ~ vme siècle, époque où la Phrygie atteint son apogée.
Le règne de Midas date sans doute de la fin de ce siècle.
Selon une tradition, il se serait suicidé lors de l'invasion des Cimmériens.
Ce sont certainement ces derniers qui mirent fin brutalement au royaume phrygien et ravagèrent Gordion vers ~ 690.
Au siècle suivant, la Phrygie sera dans sa plus grande partie, jusqu'à l'Halys (act.
Kizil Irmak), intégrée au royaume lydien avant de devenir une province de l'Empire perse achéménide.

Histoire-archeologie.com © Tous droits réservés