Phéniciens
Ce terme nous vient du grec Phoi-nikes, qui désignait la population qui occupait la Phénicie (grec Phénikê) au ~ Ier millénaire A cette époque, la Phénicie consistait en une bande de terre entre le mont Liban et la mer, occupant approximativement la façade maritime de l'actuel Liban, mais la débordant au sud jusqu'au mont Carmel et au nord jusqu'à Aradus.
Les villes principales en étaient Byblos, qui eut ses heures de gloire plus particulièrement à l'époque du Bronze, Berytus (Beyrouth), Sidon, Tyr (Sur) et Ach-zib, l'antique Ecdippa.
La racine du nom grec se rattache à phoinix, "rouge", et ferait alors référence à l'industrie de la pourpre qui a été l'une des gloires de Tyr et de Sidon ; mais le même terme a aussi le sens de "palmier", et on le retrouve avec ses deux sens en mycénien : po-ni-ke (-qe), dans une tablette de Pylos (PY 246) avec le sens de palmier, et po-ni-ki- ja à Cnossos (KN 270) pour désigner la couleur rouge d'un char.
Cependant, le nom de Phénicie n'apparaît pour la première fois que dans l'Odyssée et, se fondant sur le préjugé selon lequel ce terme était d'époque récente, certains auteurs, comme Bérard, ont déclaré que le passage était interpolé.
Ce serait donc seulement vers le ~ VIe siècle, avec Hécatée de Milet, qu'apparaîtrait ce terme pour désigner les gens de Tyr et de Sidon, qui s'appelaient d'ailleurs eux-mêmes Cananéens.
Ainsi est-il communément admis que l'appellation de Phéniciens leur a été appliquée par les Grecs par référence à leur industrie de la pourpre au ~ Ier millénaire C'est faire fi de quelques éléments non négligeables.
D'abord le terme de phoinix n'a pas de racine grecque et son étymologie doit être étrangère.
Ensuite on a sur une tablette de Cnossos (KN 99) la forme po-ni-ki-jo dans une liste, jointe au nom du coriandre, qui laisse penser que ce po-ni-ki-jo serait un condiment ou une épice "phéniciens", ce qui implique l'existence du nom de la Phénicie au ~ XVe siècle, date des tablettes de Cnossos, ou au plus tard au ~ xme siècle, selon la chronologie de Palmer.
Enfin, nous trouvons dans les textes égyptiens, dès l'Ancien Empire, le terme de fenkhou ; il aurait désigné à l'origine les "coupeurs de bois" du Liban.
Mais au Moyen Empire, ce nom apparaît par exemple dans le Conte de Sinouhé, pour désigner un peuple ; il y est question du "pays des Fenkhou" et nous voyons par ailleurs que ces Fenkhou habitent le Negaou, région voisine de Byblos ; ainsi ces Fenkhou se trouvent au cœur de la Phénicie des Grecs et il semble légitime de se demander si finalement Fenkhou n'était pas le nom indigène d'une population cananéenne de la région de Byblos, qui a donné le nom grec de Phoinikes.
(Nous rappelons que la transcription Fenkhou est arbitraire car l'égyptien ne donne que la forme consonantique fnkh, dont on ignore comment elle était réellement vocalisée.) La même incertitude règne pour ce qui concerne l'origine des Phéniciens.
Suivant les sources antiques, on les a cru longtemps originaires du nord-est de l'Arabie, vers les rives du golfe Persique.
En réalité, cette hypothèse n'a guère de fondements archéologiques sérieux, et comme les Phéniciens ne sont qu'une famille des Cananéens, ils ont la même origine que ces derniers.
Cette assimilation Phéniciens/Cananéens permet aussi de faire remarquer que les deux termes ont suivi la même évolution : désignant un peuple qui, dès le milieu du ~ IIe millénaire, avait acquis une réputation de fabricants de pourpre destinée à teindre les tissus à partir du murex, ils ont pu fournir le nom commun pour désigner la couleur pourpre, d'une part chez les Mycéniens sous la forme po-ni-ki (phoinix), et d'autre part chez les habitants de Nuzi (qui en conséquence devaient être en relations commerciales étroites avec eux) sous la forme de kinakhou dérivée de Canaan (v. Cananéens).
La véritable vocation maritime des Phéniciens ne semble réellement commencer qu'à la fin du ~ IIe millénaire, et surtout aux premiers siècles du ~ Ier millénaire La raison en est sans doute, d'une part la disparition de la scène des Minoens et des Mycéniens qui avaient eu la maîtrise de la mer pendant tout le Bronze Récent, d'autre part les pressions simultanées des Araméens, des Philistins et des Hébreux, qui avaient réduit leur territoire à la fenêtre maritime déterminée plus haut; l'exemple des Peuples de la Mer navigateurs et en particulier des Zekker (ou Zakkal) installés à Dôr au sud de la Phénicie, et qui semblent finalement avoir été assimilés, a pu aussi contribuer à la vocation maritime des Phéniciens.
Au cours des premiers siècles du ~ Ier millénaire, ils vont installer des comptoirs ou fonder des villes à Chypre, Malte, sur les côtes de la Libye, en Afrique du Nord avec en particulier Carthage et Utique, en Sardaigne, dans les Baléares, au sud de l'Espagne, en particulier à Gadès d'où ils contrôleront le commerce vers l'Atlantique, à Lixus au Maroc ; enfin ils exploiteront le sud de l'Espagne où ils iront chercher l'argent et les divers minerais comme le cuivre et l'étain, grâce à leurs célèbres vaisseaux dits de Tarsis.
Lorsque, aux ~ VIIe et ~ VIe siècle, la Phénicie tombera sous le contrôle des Assyriens puis des Babyloniens et surtout des Perses, Carthage prendra la relève phénicienne dans le bassin de la Méditerranée occidentale.
Peuple pratique et commerçant, les Phéniciens sont sans nul doute les inventeurs de l'alphabet.
En revanche, leur art reste peu original, tributaire de l'Egypte, de la Mésopotamie et, à l'époque du Bronze, dans une certaine mesure des Égéens.
Excellents artisans, ils ont des potiers habiles, des bronziers et surtout des orfèvres remarquables ; ils ont aussi excellé dans le travail de l'ivoire, s'il faut leur attribuer les ivoires de Nimrud et peut-être ceux d'Arslan Tash ; mais dans toutes ces oeuvres, l'influence de l'Egypte reste prépondérante.

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