Ligures
Les Grecs appelaient Ligues et les Latins Liguses ou Ligures les populations habitant les côtes de l'actuelle Provence et de la région de Gênes, ainsi que les territoires à l'intérieur de ces côtes.
Cependant, certains auteurs anciens étendent leur domaine jusqu'à la Narbonnaise (Strabon, Pline) et même jusqu'à Ampurias (Pseudo-Scylax), vers l'ouest, et du côté de l'Italie jusqu'à la Cispadane (Strabon) voire l'embouchure du Pô (Etienne de Byzance) et Pise (Justin, Polybe), et font de la Corse une île ligure (Sénèque).
Les Élésyces qui avaient Narbonne pour capitale auraient été des Ligures.
Renchérissant sur ces données, et attribuant à la langue ligure les suffixes en asco, asca, esco, isco, etc. ex. Arnasco dans la province de Savone, Carviasca dans celle de Gênes, Bruschi dans celle de Turin... On en connaît plusieurs centaines en Italie ; et en France : Tarascon, Lambesc (Bou-ches-du-Rhône), Auriasque, près de Fréjus, Marasco en Haute-Marne, Pas-ques en Côte-d'Or, etc.), d'Arbois de Jubainville à la suite de Roget de Belloguet, puis Camille Jullian ont cru à l'existence d'une sorte d'empire ligure occidental.
Ils auraient constitué un véritable substrat ethnique de l'Europe occidentale, leur origine étant à rechercher jusqu'au Jutland, hypothèse fondée sur une affirmation de Festus Avienus qui place leur berceau sur les côtes du Jutland et assure qu'ils ont émigré depuis le nord de l'Elbe jusqu'aux Apennins.
Dans cette hypothèse, ils sont mis en relation avec le trafic de l'ambre et le mythe de Phaéton d'après Hésiode, tel que nous le rapporte Hygin, auteur latin contemporain d'Auguste.
On en fait selon les cas des Indo-Européens
ou encore les porteurs de la civilisation des mégalithes (Jullian).
Comme les Ibères, auxquels certains auteurs les rattachent, on les fait venir du Caucase, ou encore on les apparente aux Berbères ou aux Celtes.
En réalité les Ligures sont l'un de ces peuples qui échappent à toute définition historique et archéologique sûre.
Nous ignorons quel était leur véritable nom dans leur propre langue ; celui de Ligure leur a été donné par les Grecs et les Romains, mais on en ignore la réelle origine ; on a voulu expliquer le mot par le grec ligys qui qualifie un son perçant, clair, mais aussi harmonieux; on a rappelé à ce propos que le cygne était un emblème ligure et on a évoqué le mythe de Cycnos (nom du cygne en grec), roi de Ligurie et ami de Phaéton, doué par Apollon d'une voix mélodieuse, ce qui expliquait le chant du cygne lorsqu'il va mourir.
Selon A. Ber-thelot on aurait même proposé de le rattacher au latin lig-u-rire qui exprimerait l'avidité, qualification appliquée par des civilisés à des voisins moins civilisés, mercenaires, ou brigands, ce qui aurait convenu aux Ligures qui, selon les Romains, étaient des gens frustes vivant en particulier de brigandage; malheureusement le verbe ligurio en latin a le sens de lécher, goûter à, faire le délicat, toutes acceptions qui sont en opposition avec celle qu'on nous propose pour désigner des brigands.
Au demeurant, le terme de ligure n'étant pas indigène, son étymologie n'a qu'une importance secondaire.
Fantaisiste, aussi, le rapprochement que fit Etienne de Byzance de leur nom avec celui de la Loire, l'antique Liger.
D'après Plutarque, les Ligures se seraient appelés dans leur propre langue Ambrones.
On ne sait quelle valeur attribuer à ce témoignage dont il faudrait conclure que les Ligures/Ambrones seraient les cousins germains de la tribu germanique des Ambrones qui furent vaincus près d'Aix par Marius en ~ 102 avec les Teutons.
La seule certitude que nous puissions avoir au sujet des Ligures, c'est qu'ils étaient constitués par un ensemble de tribus établies dans le ~ Ier mill, entre le Rhône et la région de Gênes.
On ignore d'où ils venaient et le peu que nous connaissions de leur langue ne permet pas de déterminer s'ils étaient des Indo-Européens ou s'ils constituaient un stock de populations plus ancien.
C'est dans leur territoire que les Phocéens fondèrent Marseille à la fin du ~ VIIe siècle.et c'est vers cette même époque que certaines de leurs tribus, comme les Salyens, s'unirent aux Celtes pour constituer des populations celto-ligures, comme vers les Pyrénées se formèrent des peuples celtibères.
On peut cependant retenir l'hypothèse de N. Lambroglia, selon qui il aurait existé une première couche proto-ligure, méditerranéenne, sur laquelle se serait grefiée une vague d'Indo-Européens (ou de population indo-européanisée) "ambro ou deutéro-ligure".
Ces derniers seraient les porteurs de la civilisation du premier âge du Fer en Ligurie.
On ne sait cependant ce qui archéologique-ment peut-être déclaré typiquement ligure.
Si Entremont, capitale des Salyens, se trouve bien en pays ligure, les aspects les plus caractéristiques de la culture de ce site, tel le culte des têtes dont on a un témoignage dans un linteau de pierre, paraît plutôt celte.
Dans quelle mesure peut-on leur attribuer les gravures rupestres du mont Bego, dans les Alpes méridionales? Ces gravures de la vallée dite "des MeIVeilles" remontent dans l'ensemble au ~ Ier mill, et sont apparentées à celles du Val Camonica.
Doit-on aussi leur attribuer ces dernières comme le voudraient certains auteurs ? Si, par ailleurs, il semble bien que leur appartiennent les tombes de la nécropole préromaine de Gênes, il semble hasardeux de leur faire crédit de la culture de Golasecca et on ne sait ce qui peut réellement leur revenir dans le développement stratigraphique des Arène Candide qui, dans ses plus anciens niveaux, remonte à la préhistoire.
On trouve dans les territoires ligures des tombes à inhumation, qu'on pense leur être caractéristiques, mais la nécropole de Chiavari, qui semble aussi être ligure, contient des urnes globulaires cinéraires.
Aux Ligures peuvent aussi être attribués un certain nombre d'oppida pourvus de murs en pierre sèche, répartis entre la Provence et la Ligurie italienne, qui représentent bien les nids d'aigles de ce peuple de montagnards qui de là fondaient sur les plaines voisines pour les piller, ainsi que le déclarent les auteurs latins.
Nous savons d'ailleurs qu'ils ne seront définitivement soumis qu'à l'époque d'Auguste qui élèvera le Trophée des Alpes pour commémorer cette ultime victoire.
Ce rude tempérament est sans doute l'une des raisons pour laquelle les Ligures apparaissent comme l'un des peuples méditerranéens les plus réfractaires à l'influence grecque.
On ne trouve guère d'établissements grecs à l'est de Monaco, ville sans doute d'origine ligure, mais qui devint un comptoir massaliote, on ne sait précisément à quelle date.
Monoikos de son nom grec, elle reçut un culte d'Héraklès peut-être d'origine phénicienne, si bien que l'aspect ligure de l'établissement primitif fut rapidement oblitéré.
Ainsi, il semblerait que Pinhospitalité des riverains ait interdit aux Grecs les côtes du golfe de Gênes.
Nous savons par ailleurs que, malgré la célèbre légende de l'origine de Marseille qui nous trace une idylle entre un Grec et la fille d'un roi ligure, la colonie phocéenne dut sans cesse faire face aux agressions des Ligures établis dans les oppida et "castellaras" des alentours, et c'est finalement contre eux que Marseille fit appel aux Romains.
Il ne faut cependant pas exagérer cet antagonisme ni le refus par les Ligures de la culture grecque.
On a trouvé du mobilier grec dans les sites ligures et les potiers ligures imitèrent volontiers la céramique grise dite "phocéenne", la poterie campanienne et les vases "pseudo-ioniens".
Nous savons aussi que les Grecs employaient des ouvriers et ouvrières agricoles d'origine ligure.
En définitive, il apparaît que \es tribus ligures, Salyens, Oxybiens, Décéates, Ingaunes, Euburiates..., avaient comme les Ibères un sens profond de l'indépendance qui les fit si longtemps résister à la pression romaine, ce qui ne les empêchait pas d'être beaucoup moins sauvages et barbares que ne l'ont laissé supposer les auteurs grecs et latins.

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